lundi 25 mars 2013

Aujourd'hui je rédige une lettre de motivation. Pouah ! Plus de quatre ans que je n'ai pas eu à produire un tel courrier et vingt dieux comme cela était bien plus dur pour le jeu vidéo.
Désormais mes motivations sont claires, hurlantes et suintantes. Elles me brûlent par tous les pores et menacent de me projeter dans de folles colères tant le temps manque au chantier de leurs traductions réalisées. Mais qu'importe, passionné ou furieux, il faut savoir se calmer et apprécier les progrès chaque jour accompli.

Voici donc pour le plaisir, et parce qu'écrite en quelques minutes, la coquine résume assez bien le ressenti qui m'assaille, la Lettre de Motivations que j'adresse à l'association Nature & Progrès auprès de laquelle je réclame plus de connaissances pour faire mieux. Vous excuserez les quelques fautes s'y trouvant, ma correctrice est au bain, affublée d'un ventre à faire pâlir le défunt Carlos (sans la pilosité). Bonne lecture à tous ceux qui supporte mon exacerbant lyrisme.

"Motivations conduisant à ma demande de labellisation de ma production par Nature & Progrès

Cela fait désormais trois ans que je suis vigneron en AOC Côtes de Duras. Je ne suis pas d’origine agricole, ni mes études, ni mon parcours professionnel n’auraient pu me laisser imaginer il y a cinq ans que j’aurais un jour à vous écrire cette lettre.
Mais voilà, j’ai eu la chance de pouvoir reprendre en main une terre appartenant à ma famille n’ayant cependant jamais été cultivée par les miens. En seulement un an d’activité j’ai vu des choses que je ne soupçonnais pas possible dans un monde que je croyais conscient du rôle primordial qu’est le sien.
J’ai vu les phytos de synthèse déployés à la va-comme-je-te-pousse, sans protections ni réflexions. J’ai vu des sacs de tanins, des bidons de gel arômes et autres conneries copeautées déversées dans des cuves. J’en ai suffisamment vu pour foutre tout ce petit monde dehors, produits et hommes avec l’eau souillée du bain. J’ai découvert le manque d’information dont sont victimes les citoyens et l’ignorance entretenue des agriculteurs, cela même dont je croyais qu’ils étaient paysans et qui ferment les yeux sur des dangers bien plus grand que la fin de la PAC ou la directive « nitrate ». Lorsque j’en parle aux citadins dont je faisais parti, je vois bien qu’ils ne peuvent comprendre. Je me suis senti quelque peu seul en cet instant.

Puis j’ai signé avec ECOCERT pour me donner un tuteur institutionnel afin d’assainir les pratiques dont j’ai la charge. Loin d’être suffisant c’était déjà un début. J’ai cherché et cherche encore, des livres, des formations, des associations afin de comprendre mon métier, mes sols, mes plantes, mon environnement, les métiers de mes collègues maraîchers, éleveurs, céréaliers, etc. Le temps de comprendre que la machine nous a broyé pour faire de nous des opérateurs agricoles et non plus des acteurs. Je pose des questions, tente des expériences et crois en l’avenir puisque les progrès de notre ferme me confortent. Depuis trois ans nos vins sont meilleurs, tellement plus vrais. Nos sols s’assouplissent, la flore se diversifie et avec, le vivant reprend de la place.

Mais je veux aller plus loin. Je veux que chacune de mes bouteilles soit un acte militant en soi, une ode au goût retrouvé, à l’épaisseur du vivant, à la longueur en bouche, à la rondeur généreuse du vraie, au fruit  charnue du premier baiser. C’est tellement plus confortable, une fois la nuit venue de s’endormir avec la certitude, si ce n’est d'avoir fait bien, au moins de ne pas avoir nuis.

Mon engagement chez N&P est résumable en 3 axes :

-          J’ai besoin de vos connaissances pour améliorer et compléter les miennes, je veux être le premier convaincu par mes vins.
-          Je veux pouvoir prouver, au-delà du goût de mes vins, que ceux-ci sont sains et ainsi faire la promotion de tous ceux qui se cassent la tête pour y arriver.
-          Je veux qu’une partie de mes cuvées puissent porter votre mention afin d’en faciliter la diffusion et la commercialisation dans le but très clair de faire vivre ma famille, notamment le petit merdeux (ou merdeuse) qui s’apprête à naître en Mai prochain.


Pour valoir ce que doit.
Bien cordialement,
Brice Tingaud"

lundi 21 janvier 2013

"Pourquoi fait-on se métier ?"

Pourquoi faisons nous nos métiers ? Lequel d'entre nous a choisi ce dernier et quand bien même, quelles sont ses raisons ?

Lorsqu'on tombe dans l’agriculture sans s'y attendre, cette question ne se pose pas. On se trouve avant tout accaparé par le fait même de ce travail. Le temps, sous ses deux principaux aspects vous choppe par le cou pour vous montrer la course des saisons à laquelle vous ne pensiez plus. Je vivais en ville, je n'avais qu'une infime perception de cela. Lorsque l'activité y est directement liée, l'ampleur du phénomène vous explose au visage. Préparer les sols, la plante, préparer l'arrivée de la récolte puis faire quelque chose de cette dernière prends tout l'espace de votre vie.
Au début c'est un travail. Ensuite cela devient un jeu. Souvent c'est une contrainte. Au bout d'un moment, qui fut bien plus court que je ne pensais, cela devient une passion.
Dévorante. Le sol est vivant. La vie provient du sol. Lorsque cela m'a été révélé par des gens de bien qui militent pour que nos agricultures prennent un nouveau tournant, je suis tombé de haut. J'en pleurerais régulièrement. Imaginez... Le ventre de votre mère pollué par erreur puis, une fois l'erreur révélée, malgré les alertes, les études, les rdv chez le médecin, les conseils des vieux, les nouvelles vues des jeunes, imaginez que malgré tout, les intérêts de quelques un maintiennent le statut quo face à cette ignominie.

Le ventre de notre mère, celle qui nourrit TOUT ce qui vie sur cette planète est régulièrement lardée d'entailles dans lesquelles l'ont déverse de quoi l'empêcher de guérir. Sous prétexte que cela lui fera les seins plus gros.

Le sol est vivant. C'est un complexe, fait de minéral de taille plus ou moins fine, de vie macrobienne, de vie microbienne et de résidus organiques. Cette association crée, pour simplifier, un gel, une colle, une sorte de liant vivant permettant, entre autre, de maintenir en cohésion le minéral. Ce dernier, enrobé de vivant, d'humus précisément, accueille la vie microbienne qui décompose les déchets organiques, eux mêmes auparavant décomposés par la vie macrobienne. Se faisant, la vie microbienne libère des minéraux (façon oligo-éléments à la volvic, nommé souvent NPK) qui constitues les vitamines des plantes. Grâce à ces dernières, puisées sous forme de solution soluble dans l'eau du sol, elles sont capable de capturer le CO2, de le transformer lors de la photosynthèse avant de croître en se nourrissant du résultat (la sève élaborée qui descend des feuilles vers les racines, à la différence de la sève brute, qui monte des racines vers les feuilles). Une fois le végétal mûr, il est mangé, transformé, par un animal, une autre plante ou par le sol lui même, en nouvelle énergie.

Voilà ce qu'on ne nous apprend pas.

L'agriculture qui nourrit faussement la planète depuis 50 ans pense différemment. Elle dit que le sol est un support, inerte possédant un certain taux de NPK. Lorsque ce taux s'épuise il faut en rajouter, via des solutions directement assimilable par la plante, pour que cette dernière croisse. Adieu micro et macro, adieu humus, adieu cohérence du sol qui s’effrite, adieu l'eau qui en vérité se trouve stockée dans le sol grâce à l'humus qui normalement se gonfle comme une éponge avant de la restituer. Adieu le cycle évident du milieu du sol qui, court-circuité par ces solutions, perd ses capacités à se régénérer. Le sol n'est plus QUE minéral auquel on ajoute de grosse louche de minéraux, en surdose qui plus est. Les plantes doivent en effet leur 80% de matière végétale annuelle qu'aux seuls soleil, eau et carbone. NPK et les autres ne sont que les catalyseurs (les vitamines pour nous si vous voulez) permettant le reste. Qui élèverait un enfant qu'à base de vitamine ?

Pourquoi faisons nous ce métier donc ?
Désormais je le fais pour que ce mensonge soit dévoilé, que les responsables soient dépossédés du pouvoir de décision, pour que nous retournions vite à l'essentiel: à savoir nourrir les nôtres, sans les empoisonner,  d'une manière qui fasse vivre le tissus sociale et qui préserve la ressource. Comment sinon donner cher de nos peaux ?