mercredi 13 juin 2007

Je souhaite vous présenter la méthode M.D.A (Mechanics – Dynamics – Aesthetics), méthode selon moi de conception et suivis de réalisation du contenu d'un jeu. Elle m'a été enseigné par un prof de SupInfoGame nommé Manuel Bevand, game designer freelance à l'époque et retiré depuis de l'industrie du jeu pour, entre autre, s'adonner aux joies du poker professionnel.

Elle permet de dissocier les mécanismes des émotions (ou intentions émotionnelles et/ou esthétiques) afin d'en déduire les éléments de gameplay propres à répondre et lier les deux précédentes catégories. N'étant pas linéaire, cette structuralisation de la pensée permet également de poser un élément de gameplay de manière isolée afin d'en déduire les émotions et mécaniques nécessaires à sa réalisation.

Mais prenons un exemple l'illustrant.

"Bob souhaite créer un jeu de course automobile sensibilisant les joueurs aux questions environnementales", voilà son point de départ.

Bob prépare un tableau de trois colonnes dans lequel il va inscrire des propositions entre lesquelles il va ensuite tracer des liens afin d'en vérifier les causalités. De gauche à droite les colones sont Mechanics – Dynamics – Aesthetics.

Mechanics = mécaniques, média, données et supports tangibles.
Dynamics = gameplay, jeu joué, actions du joueur.
Aesthetics = émotions, messages, intention et ressentit.

Dans la colonne Mechanics, Bob inscrit: "System de conduite d'engins motorisés" et dans la colonne Aesthetics "Respect de l'environnement". Dans la colonne Dynamics, Bob inscrit "gagner des courses automobiles en polluant le moins possible".

Voilà comment Bob définit son premier élément fondamental de gameplay en relation directe avec une intention et un support. Mais Bob sait qu'il vient également d'ouvrir la porte à de nouvelles questions. Suivant son instinct de designer, il inscrit "Système de mesure du taux de pollution" dans la colonne Mechanics, afin de mesurer et de communiquer une évaluation de score. A cela, toujours d'instinct, il inscrit "Fun" et "Ludique" dans la colonne Aesthetics car il souhaite à la fois voir ses joueurs s'amuser et apprendre quelque chose.

Bob voit que dans sa colonne Dynamics, rien ne vient soutenir ces deux dernières propositions, il en déduit qu'il lui faut un nouvel élément de gameplay et inscrit deux idées:
- "Conduire à vitesse moyenne constante afin de réduire la consommation de carburant polluant"
- "Rechercher et assembler le moins polluant des moteurs avant chaque course"

De fait Bob vient de poser deux idées qui répondent en partie à ses besoins mais il comprend également qu'elles tirent son concept dans deux directions différentes.

1) En effet conduire à vitesse constante pourrait par exemple supposer d'axer le gameplay sur la trajectoire optimum tout en se concentrant sur l'accélération. Il se dit qu'ici, il tient un type rudimentaire mais crédible de jeu d'arcade, simple à comprendre, faisant avant tout appel à l'habileté.
2) Mais d'un autre coté Bob aime beaucoup la simulation et la stratégie et se dit que rechercher des nouvelles pièces moins polluantes grâce à l'argent gagné dans chaque course pour ensuite personnaliser son véhicule séduirait bien d'autres joueurs que lui. Quelque que soit la valeur de ces idées, Bob se dit qu'il ferait mieux de faire un choix entre Arcade et Stratégie afin de renforcer l'impact de son jeu.

Bob en est arrivé à un point où par associations d'idées inscrites dans un cadre, il peut librement et calmement faire des choix de design. La causalité de ces choix, facilement identifiable par tout esprit sensible au game design, est ici sauvegardée au sein de la structure du tableau lui permettant de donner libre cours à sa pensée et donc de faire des choix raisonnés ! Il peut continuer sa recherche et amender ou soustraire les éléments de son tableau afin de s'approcher d'un premier concept viable qu'il reformulera ensuite en game concept pret à être prototypé.

Voilà selon moi la grande force d'une telle méthode qui loin d'être parfaite, reste malgré tout bien plus structurante que la libre et bordélique association d'idée qu'on trouve souvent aux cours de brainstorming débridés sensés favoriser la créativité de tous les membres y participant. Chose qui malheureusement fait encore office d'unique méthode de design dans certaines entreprises.
Chose qui personnellement me gave :]

En conclusion, cette méthode sert principalement à palier certains défaut de la pensée humaine en maximisant son efficacité: la mémoire des liens logiques et causalités n'est pas la même pour tous de même que la capacité d'imagination. Plutôt que de se croire tout puissant, armons nous d'outils qui nous renforcent et nous soutiennent.
Merci.

1 commentaire:

a a dit…

Un grand merci Wilheimb pour m'avoir fait connaître cette méthode de travail. Et merci à Manuel Bevand ;)

On peut penser que l'intellectualisation ou le côté procédurier de cette méthode, peut entraîner une certaine forme de stérilité dans la conceptualisation. Mais je prends la M.D.A comme une carte routière d'un projet. Un outil pour garder le cap. Elle ne fait que vous guider dans une orientation que vous avez choisi, et que vous pouvez changer.